La structure littéraire de Jean 1:1-18

La structure littéraire de Jean 1:1-18

Herbert K. LEA*

Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.

(Jean 1:1)

Malgré les innombrables articles et monographies publiés sur le Prologue de l’évangile de Jean1, de nombreuses questions restent sans réponse. Quel est son arrière-plan? A-t-il été rédigé par l’auteur de l’évangile ou est-il une adaptation d’une ou plusieurs sources? Dans ce dernier cas, serait-il possible d’identifier avec certitude la forme originale de ces éventuelles sources? Le Prologue présente-t-il un argument et une structure littéraire cohérents?

Etant loin de pouvoir répondre à toutes ces questions, nous nous bornerons ici à l’étude de la seule question de la structure littéraire du Prologue. Dans ce bref article, nous n’évoquerons pas la vaste bibliographie qui traite ce sujet précis et nous nous proposons de présenter les résultats de nos recherches, avec quelques arguments à l’appui. Nous soutiendrons que le Prologue a une structure littéraire qui intègre tous ses éléments constitutifs, ce qui permet de le lire comme une composition littéraire cohérente sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à une théorie des sources.

Le verset 1 joue un rôle déterminant dans cette structure, non seulement de par son contenu, mais aussi de par sa forme qui réapparaît à des tournants importants dans la suite du développement du Prologue. Après un rapide survol de celui-ci afin de relever les endroits où la structure du verset est reprise et ayant acquis ainsi une vue d’ensemble de ce texte, nous formulerons, en conclusion, quelques remarques.

i) Le verset 1 comporte trois clauses et chaque clause, trois éléments. Le sujet de chaque clause est « parole »2. Chaque clause contient le même verbe « était ». Dans les deux premières, le troisième élément est une clause prépositionnelle, et dans la troisième, un attribut du verbe. Dans chaque clause, la signification du verbe est différente; il s’agit

– en 1:1a, d’une attribution d’existence;

– en 1:1b, d’une circonlocution de lieu;

– en 1:1c, d’une déclaration d’identité3.

La première clause renvoie à Genèse 1:1 et souligne qu’au moment de la création, la Parole existait déjà4. La deuxième indique la relation intime qui existe entre la Parole de Dieu et Dieu, et suggère, en fonction de la première clause, que cette relation existait dès avant la création5. La troisième clause est une affirmation de la nature divine de la Parole6. Donc, les trois clauses mentionnent, dans l’ordre, la Parole sous trois aspects: l’existence, la relation et l’identité. Pour souligner l’importance de ces éléments, le verset 2 les reprend: « celle-ci » qui vient d’être indiquée au verset 1c comme étant Dieu; « était au commencement » (cf. 1:1a); « avec Dieu » (cf. 1:1b).

ii) La première fois que le sujet d’une phrase est autre chose que « Parole » se trouve au verset 3, le verbe étant non pas « être », mais « devenir »7. Ainsi, l’évangéliste établit un contraste entre la Parole et la création. Avant la création, la Parole était. En revanche, à un moment donné, la création est devenue8. Alors qu’aux versets 1 et 2, « Parole » est le mot clé, au verset 3, c’est le mot « devenir » qui l’est.

iii) Aux versets 4 et 5, la façon de procéder est similaire. Un nouveau mot clé vient se juxtaposer à l’ancien, qui disparaît. Ainsi, le mot « devenir » laisse la place à celui de « vie » qui est, aussitôt, remplacé, à la fin du verset 4, par « lumière »9. Ce dernier terme devient le mot clé du verset 510.

iv) Le verset 6 est habituellement considéré comme constituant une rupture dans le style poétique des versets 1 à 5. Il présenterait, avec le verset 7 et, éventuellement, le verset 8, soit les paroles de l’évangéliste, soit un emprunt à une autre source11. Dans la forme actuelle du Prologue, il indique une nouvelle section. Aussi, la première section qui commence par une affirmation hautement ontologique se termine-t-elle en évoquant les implications de cette affirmation pour les hommes (1:4-5). Tout comme en 20:30-31, une affirmation ontologique concernant Jésus est mise en rapport avec une idée fonctionnelle12. Comme dans la conclusion13, le thème de la vie, introduit au verset 4, est central.

Malgré sa différence de style, le verset 6 a une structure qui ressemble à celle du verset 1. Il comporte également trois clauses, chacune ayant un verbe explicitement formulé ou sous-entendu. En revanche, chacune de ses clauses ne contient que deux éléments au lieu de trois. C’est comme si l’évangéliste voulait signaler, à la fois, une ressemblance entre les sujets des versets 1 et 6 et l’infériorité du sujet du verset 6 par rapport à celui du verset 1.

Une comparaison entre les trois clauses des deux versets, 1 et 6, montre que leurs sujets sont similaires. Alors que le verset 1a insiste sur l’existence de la Parole, le verset 6a conserve le contraste déjà établi entre « être » et « devenir », en insistant sur le fait que Jean-Baptiste, à un moment donné, est venu. Les deux clauses 1b et 6b explicitent la relation du sujet avec Dieu, mais avec une différence importante: alors que la Parole était avec Dieu avant la création, Jean-Baptiste, lui, a été envoyé par Dieu a un moment précis de l’histoire. Enfin, le sujet des clauses 1c et 6c précise l’identité de la Parole et de Jean: en 1c, la Parole était Dieu alors qu’en 6c, il est seulement dit que « son nom était Jean ».

v) Avec les versets 7 à 9, on revient à la façon précédente de procéder par des mots clés. Au verset 7, le mot « témoignage/témoigner » est introduit et aussitôt remplacé par « lumière » aux versets 8 et 914.

vi) Comme c’était la cas au verset 6, la structure et le sujet du verset 10 rappellent ceux du verset 1. Comme au verset 1, où le mot « Parole » était mentionné dans chaque clause, au verset 10 on trouve le mot « monde » dans chacune des trois clauses. Alors qu’au verset 1, il y a la Parole et Dieu, au verset 10 on trouve la Parole et le monde. On note également une correspondance de sujet entre chaque clause des versets 10 et 1, comme on l’a constaté pour les versets 6 et 1. A l’instar de 1:1a, 1:10a traite de l’existence de la Parole, mais avec une différence: au lieu de la considérer comme existant avant la création, la Parole, selon le verset 10a, existe maintenant dans la création. Comme au verset 1b, l’idée d’une relation est au premier plan en 10b. Alors que la Parole existait dans une communion intime avec Dieu (1b), sa relation avec le monde se caractérise par la dépendance: le monde existe par elle (10b). Enfin, 10c reprend le thème de l’identité, mais en contraste avec 1c, de façon négative: le monde ne reconnaît pas l’identité de la Parole.

De même que la relation entre la Parole et Dieu, évoquée en 1b et 1c, est paradoxale, de même la relation entre la Parole et le monde l’est aussi, ce qui établit encore une correspondance entre ces deux versets. Ces deux paradoxes découlent de la nature divine de Jésus. La Parole était avec Dieu et, en même temps, elle était Dieu. Quoique la Parole soit l’agent par lequel il existe, le monde ne reconnaît pas ce fait. Cette incapacité du monde à reconnaître en Jésus celui qui l’a créé servira de base théologique à l’ironie si fréquente dans le corps de l’évangile.

vii) Au verset 11, l’évangéliste continue à employer des mots clés. Le sujet du verset, qui apparaît dans chaque clause, est « les siens ». Aux versets 12 et 13, en revanche, on ne peut pas identifier de mot clé. Les versets 11 à 13 indiquent deux façons antithétiques d’accueillir la Parole: le refus et l’acceptation.

viii) Le verset 14, par son sujet comme par sa structure, renvoie de nouveau au verset 1. Depuis le verset 1, la Parole, sous ses différents aspects, est le sujet du Prologue, mais le mot « Parole » n’est pas mentionné; il ne réapparaît qu’au verset 14.

Les trois clauses habituelles réapparaissent également ainsi que la correspondance de sujet avec chacune des clauses du verset 1. En 14a, l’existence de la Parole est en vue; il s’agit non pas de son existence avant la création (« était »), mais de sa venue dans la création (« a été faite chair »). Encore une fois, il y a contraste entre « être » et « devenir »15, mais ici ce sont les deux modes de l’existence de la Parole qui font l’objet du contraste.

Comme au verset 1b, le thème du verset 14b est celui d’une relation. La Parole qui demeurait dès avant la création « avec Dieu » vient demeurer « parmi nous ». C’est le premier emploi de la première personne du pluriel, ce qui constitue encore un développement par rapport au verset 10, dans lequel il était question de la Parole et du monde. Ainsi, le verset 14b développe un thème déjà présent aux versets 10 et 12, à savoir celui de la division entre « le monde » qui n’a pas connu Jésus et « ceux » qui l’ont reçu. Ce contraste permet à l’évangéliste d’introduire le thème de la foi16.

Comme au verset 1c, le sujet de la troisième clause du verset 14 est l’identité de la Parole. En évoquant la gloire de la Parole, le verset 14c fait allusion à sa nature divine, comme l’avait fait le verset 1c17. Alors que le monde n’a pas reçu la Parole (verset 10c), les personnes que Jean désigne par « nous » ont reconnu et même contemplé sa gloire.

Plusieurs des facteurs que nous venons de mentionner confèrent au verset 14 le caractère de point culminant. Tout d’abord, le mot « Parole » revient pour la première fois depuis le verset 2. Ensuite, il y est question, pour la première fois, du « devenir » de la Parole, ce qui suggère un tournant important. Enfin, l’entrée en scène du « nous » de l’évangéliste évoque la réponse personnelle de la communauté des croyants. Le fait que la Parole soit Dieu n’est pas seul à intéresser l’évangéliste; il y a aussi celui que cette Parole est devenue chair, événement qui nous permet de contempler sa gloire.

C’est peut-être à cause de sa qualité de point culminant que le verset 14 contient non pas trois éléments, mais cinq. Après avoir mentionné la gloire en 14c, l’évangéliste la décrit sous deux aspects en 14d et 14e. Dans un premier temps, le verset 14d évoque la nature de la Parole du point de vue de sa relation unique avec le Père; ensuite, le verset 14e se focalise sur ce que la gloire incarnée apporte, à savoir la grâce et la vérité. Ainsi l’évangéliste opère un jumelage entre deux aspects de la christologie – ontologique et fonctionnelle – qu’on oppose souvent à tort aujourd’hui18.

ix) Les versets suivants présentent deux comparaisons avec deux personnages importants de l’Ancienne Alliance. Ces comparaisons reprennent chacune à leur tour un des aspects de la gloire de la Parole (versets 14 d et e). En 1:15, il est question de nouveau de la nature de la Parole. La supériorité de Jésus sur Jean-Baptiste est affirmée à propos de sa préexistence. Aux versets 16-17, il est question de la supériorité de la Parole sur l’Ancienne Alliance, en ce qui concerne sa fonction. Les mots « grâce et vérité » sont repris du verset 14 et placés de manière explicite dans le contexte de l’Ancienne Alliance. Jésus apporte une grâce plus complète que celle du temps de Moïse19. Ainsi, la nature et la fonction de la gloire de Jésus sont présentées de manière complémentaire et placées dans le cadre de l’histoire de la Révélation, une démarche qui ressemble à celle du corps de l’évangile20. Jésus dépasse la révélation antérieure, non seulement à cause de la nature qui était la sienne dès avant la création, mais aussi à cause de la plénitude de ce qu’il apporte.

x) Le verset 18 est la clé de voûte de l’édifice. Il prolonge et développe la pensée des versets 14d à 17 dont le sujet est la supériorité de la révélation apportée par la personne de Jésus. Désormais, la raison fondamentale de cette supériorité est explicitée. Jésus est l’unique Dieu21, qui était éternellement auprès de Dieu, qui s’est manifesté dans l’histoire et qui explique Dieu. Cette affirmation qui, sur le plan de la logique, paraît absurde renvoie au verset 1 et forme ainsi une inclusion qui englobe tout le Prologue22.

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Ainsi, les affirmations du verset 1 préfigurent tout le Prologue, non seulement de par leur contenu, mais aussi de par leur structure. Quatre fois, dans le Prologue, il y a une affirmation en trois volets, qui concerne l’existence, la relation et la nature. Le tableau suivant présente ces affirmations de façon schématique. Les emplois de ginesthai (« devenir ») sont en italique et ceux d’einai (« être ») sont en caractères gras.

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1:1 Au commencement était la Parole,

et la Parole était avec Dieu,

et la Parole était Dieu

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1:6 Il vint un homme

envoyé par Dieu.

Son nom était Jean.

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1:10 Elle était dans le monde,

et le monde a été fait par elle,

et le monde ne l’a pas connue.

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1:14 Et la Parole a été faite chair,

et elle a habité parmi nous,

et nous avons contemplé sa gloire.

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Trois de ces affirmations concernent la Parole de façon directe, mais le verset 6 établit une comparaison implicite entre Jean-Baptiste et la Parole, évoquant une étape essentielle dans la venue de la Parole jusque chez nous. Ces affirmations présentent en quatre étapes, les trois dernières rappelant la première, la Parole du point de vue de l’existence, de la relation et de l’identité. Le verset 1 introduit le premier mouvement, la Parole au commencement (versets 1-5)23. Le deuxième mouvement est la venue de Jean-Baptiste aux versets 6-8. Le troisième mouvement, le rejet de la Parole, aux versets 9-11, est signalé par le verset 10; et le dernier, la réception de la Parole, aux versets 12-14, est récapitulée au verset 14. Les versets 15-17 constituent une explication théologique qui place la Parole dans le contexte de l’Ancien Testament, tout en insistant sur la supériorité de la Parole24.Le verset 18, enfin, associe les deux thèmes de la nature divine de la Parole et sa fonction révélatrice.

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Nous pouvons maintenant conclure notre étude en évoquant plusieurs implications théologiques de la structure du Prologue, telle que nous l’avons proposée. En premier lieu, il est possible de lire le Prologue comme une unité littéraire, sans avoir recours aux sources. Si sources il y a eu, elles sont bien intégrées dans un ensemble et reflètent la pensée de Jean. Le Prologue présente, non un amalgame, mais un développement logique et cohérent. Bien évidemment, sa structure n’est pas uniforme. Les quatre affirmations n’ont pas une forme tout à fait identique et, à un moment donné, l’auteur abandonne sa pratique de procéder par des mots clés. Ce manque d’uniformité ne devrait pas nous troubler si nous considérons que le Prologue n’est pas de la poésie25.

En deuxième lieu, loin de ne pas se soucier de l’histoire du salut, Jean met l’incarnation explicitement dans ce cadre, et cela dès le début. On le voit, non seulement par le renvoi explicite, en Jean 1:1, à Genèse 1:1 et par la comparaison avec l’Ancienne Alliance en 1:14-17, mais aussi par tout le développement du Prologue, qui commence avec la présence de la Parole avec Dieu de toute éternité et qui atteint son point culminant avec la manifestation de la Parole dans l’histoire. La structure que nous proposons souligne ce développement en présentant le cheminement, en quatre étapes, de la Parole jusque chez nous.

En troisième lieu, la structure du Prologue met l’accent sur la nature divine de la Parole que Jean identifie avec Jésus-Christ. Il n’est pas simplement question d’une affirmation de la divinité de Jésus au début et à la fin du Prologue, mais aussi du fait que tout le contenu de celui-ci est agencé autour des trois affirmations fondamentales du verset 1. Cette affirmation de la divinité de la Parole est déterminante, non seulement pour le Prologue, mais aussi pour tout l’évangile, qui atteint son point culminant avec la confession de Thomas en Jean 20:28: « Mon Seigneur et mon Dieu. » Ainsi l’affirmation de la divinité de Jésus encadre, non seulement le début et la fin du Prologue, mais aussi tout le corps de l’évangile.

Cette affirmation de la divinité de la Parole n’a pas d’objectif spéculatif mais pratique. La gloire divine de la Parole s’incarne afin de donner grâce et vérité aux hommes. Il n’y a aucune contradiction dans l’évangile de Jean entre christologie ontologique et fonctionnelle. Au contraire, les affirmations ontologiques concernant Jésus sont le fondement des affirmations fonctionnelles formulées à son sujet: Jésus est capable de nous donner la vie éternelle parce qu’il est lui-même le Dieu éternel. Ce même jumelage entre ontologie et implications sotériologiques se fait également dans la conclusion de l’évangile (Jn 20:30-31), qui vient juste après la confession de Thomas et dans laquelle Jean nous appelle à la foi en Jésus pour que nous ayons la vie en son nom.


* H. K. Lea est chargé de cours à la Faculté libre théologie réformée d’Aix-en-Provence, où il enseigne le grec et le Nouveau Testament.

1 Jean 1:1-18.

2 Dans la mesure du possible, les mots et les phrases grecs sont indiqués par leur traduction et entre guillemets. Pour une présentation succincte de l’arrière-plan et de la signification de ce mot, voir X. Léon-Dufour, Lecture de l’évangile selon Jean (Paris: Seuil, 1988-96), I, 50-62.

3 R. E. Brown, The Gospel According to John (Garden City: Doubleday, 19872, 1966, 1970), I, 4. J. P. Louw, « On Johannine Style », Neotestamentica (Pretoria, Afrique du Sud, 20, 1986), 10. Léon-Dufour, op. cit. I, 64.

4 D. A. Carson, The Gospel According to John (Leicester, Royaume-Uni: Inter-Varsity, 1991), 113-114. C. L’Eplattenier, L’évangile de Jean (Genève: Labor & Fides, 1993), 19-21. C. F. Molla, Le quatrième évangile (Genève: Labor & Fides, 1977), 22-24.

5 Nous optons pour le sens dynamique de pros (avec) en 1:1b pour indiquer une relation de vis-à-vis. Voir I. de la Potterie, « L’emploi dynamique de eis dans saint Jean et ses incidences théologiques », Biblica 43 (1962), 379-380. Il est hasardeux de trop se fonder sur le sens des prépositions, qui est souvent très souple. Ce qui favorise le plus un sens dynamique est le parallèle avec 1:18 que nous évoquons plus loin.

6 Le grec n’a pas d’article. Il serait donc possible de traduire « la parole était un dieu », ou bien « la parole était divine ». Mais, en grec, la seule manière d’indiquer dans une phrase avec le verbe « être » lequel de deux noms ayant la même forme est le sujet est d’omettre l’article devant celui qui ne l’est pas. Jean 8:58 et 20:28 montrent bien que Jean est capable d’appeler Jésus « Dieu ». La présentation la plus lucide de la position que nous adoptons, ici, se trouve chez M. J. Harris, « The Word Was God », dans Jesus as God: the New Testament Use of Theos in Reference to Jesus (Grand Rapids: Baker, 1992), 51-72.

7 Il est question des verbes grecs einai et ginesthai. Ils sont parfois synonymes. S’il y a une différence, elle tient au fait que le premier évoque un état et le second un changement d’état.

8 Léon-Dufour, op. cit., I, 78. Le même contraste entre « être » et « devenir » sera la pointe d’une comparaison entre Jésus et Abraham (Jn 8:58) et constituera le point culminant des chapitres 7 et 8 de Jean.

9 Avec beaucoup d’hésitation, nous plaçons le troisième emploi de « devenir » au verset 3 et non au verset 4. Cette lecture est redondante et grammaticalement difficile, mais elle convient mieux à la progression du texte, qui met l’accent principal sur la création. Pour un aperçu sur le problème, voir R. Schnackenburg, The Gospel According to St. John, trad. par Kevin Smyth et al. (New York: Crossroad, 1968-1982), I, 240.

10 Pour une analyse similaire, voir R. Bultmann, The Gospel of John: a Commentary, trad. par G. R. Beasley-Murray et al. (Philadelphie: Fortress, 1971), 15.

11 Les paroles de l’évangéliste: Bultmann, ibid., 16-18. Un emprunt à une autre source: R. T. Fortna, The Fourth Gospel and Its Predecessor: from Narrative Source to Present Gospel (Philadelphie: Fortress, 1988), 28-29.

12 La christologie « ontologique » réfléchit sur la nature (ontos) de Jésus, et la christologie « fonctionnelle » sur ce qu’il fait. En français, ce sont avant tout J. Dupont, Essais sur la christologie de saint Jean, le Christ, parole, lumière et vie, la gloire du Christ (Bruges: l’Abbaye de Saint-André, 1951), 319 pages, et O. Cullmann, La christologie du Nouveau Testament (Neuchâtel: Delachaux et Niestlé, 1968), 300 pages, qui ont attiré l’attention sur la christologie fonctionnelle. En gros, ils considèrent que les auteurs du Nouveau Testament, qui étaient d’origine sémitique, ne réfléchissaient pas sur les implications ontologiques de ce qu’ils disaient, une telle réflexion étant le propre, comme on le supposait, de la culture grecque.

13 Le fait que nous appelions Jean 20:30-31 la conclusion de l’évangile ne préjuge en rien la question de l’authenticité de Jean 21, qui est évidemment un épilogue. Comme le montre C. B. Dodd, The Interpretation of the Fourth Gospel (Cambridge, Royaume-Uni: Cambridge University Press, 1953), 386-388, l’évangéliste rattache souvent des épilogues aux récits qui se trouvent dans le corps de l’évangile.

14 Bultmann, qui est sous le charme de sa recherche des sources, ne s’aperçoit pas que la procédure par mots clés qui, pense-t-il, distingue la section poétique du Prologue des versets 6 à 8 continue aux versets 7 et 8 (op. cit., 15).

15 C’est le verbe « devenir » qui est utilisé pour décrire l’incarnation de la Parole.

16 Le mot « croire » apparaît quatre-vingt-dix-huit fois dans l’évangile de Jean. En Jean 20:30-31, la conclusion du corps de l’évangile, Jean dit qu’il écrit pour susciter ou affermir la foi.

17 La phrase fait sans doute allusion à la gloire de Yahweh qui a séjourné avec le peuple d’Israël. Ainsi Barrett, op. cit., 166.

18 Cf. note 12, la définition de ces termes.

19 M. E. Boismard, Le Prologue de saint Jean (Paris: Cerf, 1953), 102-104. Encore une fois, il ne faut pas trop insister sur le sens d’une préposition. Cela dit, charin anti charitos se traduit difficilement par « grâce sur grâce ». Le verset fait vraisemblablement référence à Exode 33-34, où l’annonce du chesed (bienveillance) de Dieu (34:6) semble exclure l’idée d’un contraste entre loi et grâce qu’une telle traduction impliquerait. Au lieu d’un contraste entre loi et grâce, Jean évoquerait ici une grâce, celle qui est apportée par Jésus, qui succède à une autre, celle qui a été donnée sous l’Ancienne Alliance (Carson, op. cit., 131-134). Nous pouvons donc paraphraser charin anti charitos par « une grâce en échange d’une autre ».

20 L’espace ne nous permet pas de développer les allusions contenues en Jean 1:14-17 aux chapitres 33 et 34 de l’Exode. Voir Carson, ibid., 129-130.

21 La majorité des manuscrits grecs ont « l’unique fils ». Nous optons pour la leçon « l’unique Dieu », qui est celle des meilleurs et plus anciens manuscrits. Elle s’accorde mieux à la logique du texte, qui chemine vers un point culminant. Parmi les nombreux ouvrages sur le sujet, voir J. Finegan, Encountering New Testament Manuscripts (Grand Rapids: Eerdmans, 1974), passim et M. J. Harris, « The Only Son, Who Is God » dans Harris, op. cit., 76-80.

22 L’existence de cette inclusion est acceptée par presque tous les exégètes aujourd’hui. Entre autres, voir Boismard, op. cit., 107 et de la Potterie, op. cit., 385. L’auteur revient à l’emploi du verbe « être » au sujet de Jésus, ce qu’il n’a pas fait depuis les versets 1 et 2. Il y a également une insistance sur la relation entre Jésus et Dieu (v. 1 « avec Dieu »; v. 18, « dans le sein du Père »), et une déclaration de la divinité de Jésus (v. 1 « la Parole était Dieu »; v. 18 « l’unique Dieu »).

23 Boismard, op. cit., 33-37, a raison de dire que les versets 4-5 font référence à l’œuvre créatrice de la Parole. Cependant, il serait erroné de ne pas y voir également une référence à sa victoire spirituelle sur les puissances des ténèbres. Même si l’évangéliste a puisé dans une source pour rédiger le Prologue, il est difficile, à la lumière du reste de l’évangile, de croire que « vie » au verset 4 a trait exclusivement à la vie physique. Jean, le maître du double sens, utilise ce procédé littéraire dès le début de son ouvrage.

24 Le lien établi par le Prologue entre l’Ancien Testament et la christologie haute continue dans la suite du chapitre 1. Les versets 19-51 présentent une série d’incidents pendant lesquels des titres du messianisme traditionnel sont attribués à Jésus. Ces titres sont présentés de manière positive. Néanmoins, sans les refuser, la dernière déclaration de Jésus (les vv. 50-51) avertit le lecteur qu’une autre dimension de Jésus sera présentée. Ce double jeu, l’affirmation du messianisme traditionnel tout en insistant sur la christologie haute, sera un thème principal de l’évangile.

25 Voir Barrett, op. cit., 150.

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